La Martinique : l’océan et le ciel tout bleu, les palmiers, le sable blanc, les hôtels quatre étoiles…
Une amie vit à la Martinique, et quand elle en parle ce n’est pas ce tableau idyllique qu’elle évoque. Quand elle en parle elle évoque…les Mornes.
Vous ne connaissez pas, normal, on en parle pas, on ne la montre pas au ministre cette Martinique-là, parce que ce n’est pas « ça » la Martinique touristique, la Martinique moderne, la Martinique en marche vers demain. Les mornes c’est le rappel du passé, de la négritude, de l’esclavage ; le rappel que la pauvreté existe même au « paradis », le rappel de tout ce qu’on veut oublier, sans même voir ce que cette culture, dite inculte, comporte de richesses qui se perdent peu à peu.
Pauvre sûrement, ne sachant souvent ni lire ni écrire, menant une vie de dur labeur, entre culture d’un lopin de terre et pêche. Cette population des Mornes ne se plaignait pas pourtant : le potager donnait légumes et fruits, la mer le poisson, et on vivait sous un toit…
Mais Dean est passé par là !
Le cyclone a arraché les toits, éventré les maisons, emporté, dispersé, jeté dans la boue les maigres biens, vaisselle, vêtement, chaussures, outils, tout !!! Il y a eu ce vieil homme, passant la nuit suspendu à une corde pour essayer d’empêcher son toit de s’envoler, cet infirme cloué dans son lit, sous la pluie battante et dans le vent parce que le sien de toit était parti….et tant d’autres
Et aujourd’hui ? Aujourd’hui quand des personnes se soucient d’eux, leur signalent qu’ils peuvent demander une indemnité (parce personne n’a trouvé bon de venir les en avertir), les accompagnent pour remplir les formalités (la plupart est analphabète) on leur accorde, en tout et pour tout, trois cents euros, pour solde de tout compte.
Trois cents euros pour reconstruire leur logement dévasté, 300 euros pour racheter les vêtements, les chaussures, tous ce que le cyclone a emporté, trois cents euros pour aller au supermarché du coin acheter les fruits et les légumes, importés de la Métropole (puisque leurs jardins n’existent plus, enfouis sous la boue et les arbres arrachés).et donc hors de prix.
Alors, pour survivre, malgré tout, ils coupent ces arbres abattus à la machette, pour en faire du charbon de bois, les pieds nus ou peu s’en faut sur un terrain ou se rencontrent serpents et mygales, aucune ONG ne s’est souciée d’eux, ne vient voir s’ils ont besoin de nourriture, d’habits, de chaussures… sans doute parce que la Martinique c’est la France, et que les ONG regardent ailleurs. Les Mornes c’est trop près, juste sous leur nez, trop près pour qu’elles le voient ! Pardon, j’exagère, il y en a une qui a débloqué quinze mille euros, et demande des dons, pour acheter aux enfants de la Martinique…des cahiers et des livres d’école.
Pour le moment quelques personnes frappent aux portes des dites ONG, tentent de trouver celle qui bougera, interviendra, aidera, et devant tant d’inertie, d’indifférence, ont décidé de créer « leur » association, de faire savoir ce qui se passait aux Mornes, ou plutôt ce qui ne s’y passait pas, mais même en hâtant les choses cela prend du temps à mettre sur pied.
Et, pendant ce temps, Géno a ses pieds à lui, nus, dans la boue… car il pleut encore et à seaux sur la Martinique
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